Je pense que cela fait bien un an que j’ai posé mon stylo. Et il fallait qu’une femme comme Rokhaya Diallo me touche par ses mots, pour que je ne reste plus à ma place.
Et parlant de place, cette femme magnifiquement infusée en mélanine a occupé la sienne avec couleurs, style et une aisance qui semblaient aussi confortables que les baskets qu’elle portait aux pieds. Franchement, en la regardant, je me suis dit que sa seule présence était un « statement », une prise de position assumée. J’aime.
Je suis tentée de vous partager un article en mode fan, puisqu’il y aurait beaucoup à dire sur ce que j’ai perçu de Rokhaya. Mais au fond, je sais qu’à part me faire plaisir, il n’y a que quelques-uns d’entre vous qui apprécieraient mon avis sur une personne que je ne connais pas personnellement. En revanche, si je compile les 10 pépites de Rokhaya Diallo… Ca va, non ?
Je les ai noté avec minutie durant la conférence qu’elle a animé hier en Guadeloupe. Je suis sûre qu’un jour, elle et moi, nous nous assoirons ensemble pour converser. En attendant, je vous propose l’entrevue dont j’ai rêvée. Je la partage dans ces lignes et te souhaite la bienvenue à notre table.
Bonjour Rokhaya, tu dis en parlant de toi, que tu es un « accident sociologique ». Cette réalité t’a t-elle déjà donnée l’impression de ne pas être à ta place ?
Pépite #1 : Je n’ai pas à me sentir plus reconnaissante qu’une autre personne qui occupe la même place que moi. Je suis la seule personne capable d’énoncer ma légitimité.
Avais-tu la crainte que ton origine sociale modeste, soit un frein ?
Pépite #2 : À partir du moment où l’on assume tout ce qu’on est, aucune personne ne peut nous faire faillir ou défaillir.
On parle de plus en plus de tolérance vis-à-vis des minorités. Qu’en penses-tu ? Est-ce une bonne chose à ton avis ?
Pépite #3 : Préfères-tu être tolérée ou respectée ? Moi, je préfère de loin être respectée. Tolérer, c’est faire avec quelque chose ou quelqu’un(e) qui ne nous convient pas ou que l’on ne considère pas comme normal(e) ou acceptable. Quand je suis respectée, on m’accepte et on me reconnaît pour celle que je suis. On n’a pas à justifier sa propre humanité.
Il y a une telle assurance dans ce que tu dis. Et tu n’as pas toujours été aussi vocale. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Pépite #4 : Ce qui a transformé mon rapport à la prise de parole en public, c’est le jour où j’ai compris que je voulais dire quelque chose. Ma vie s’est transformée à partir du moment où j’ai su ce que je voulais dire. D’autres vocifèrent des informations dépourvues de sens. Pourquoi je devrais dire avec une petite voix, une chose avec laquelle je suis d’accord ?
Absolument. Pour autant, il y a un prix à payer. Les commentaires haineux, les étiquettes. Comment fais-tu pour vivre avec ? Prendre de la distance ?
Pépite #5 : J’ai le sentiment que les gens qui s’en prennent à moi, s’en prennent à l’idéologie, l’idée qu’ils se font de moi. Est-ce que c’est si important d’être aimée de gens que je ne connais pas ? Je ne cherche pas à être aimée d’inconnus. Le seul amour qui m’importe est celui des gens que j’aime.
C’est vraiment une question d’équilibre, entre les opportunités qui viennent à soi, les enjeux qui leur sont attachés et la confiance en soi. Comment fais-tu pour avancer ?
Pépite #6 : Il n’y a pas de raison que quelqu’un d’extérieur à moi, crois en moi plus que je ne le fais. Lorsque les choses sont difficiles, nos croyances en notre futur, même lorsqu’elles sont irréalisables nous rapprochent de la probabilité de les voir se concrétiser. Et (dans ce cas) savoir refuser ce qui brille est parfois le plus sûr chemin vers nos aspirations profondes.
A t’entendre, on dirait que tu es sans peur, presque « fearless »…
Pépite #7 : À chaque fois que je me suis lancée dans des expériences nouvelles, j’ai développé des compétences. Je pars toujours du principe qu’on ne me demandera jamais de travailler sur quelque chose qui me serait impossible.
Pourtant il y a eu des fois où tu as vécu des coups durs et aujourd’hui, tu es en encore là.
Pépite #8 : L’adversité rend créatif. J’ai transformé le temps que j’avais en de nouvelles opportunités. Par exemple, c’est comme cela que je me suis lancée dans les documentaires. J’ai conscience que, même si j’avais planifié ce que je vis aujourd’hui, je n’y serai jamais parvenue de cette manière.
J’entends beaucoup de résilience et de force dans ce que tu dis. Où puises-tu cette force ?
Pépite #9 : Il y a un proverbe malien que j’apprécie particulièrement, qui dit : « quand on est en avance sur son temps, on prend les premiers coups ». Aussi, dans mon livre, j’ai un chapitre qui s’intitule « Se la raconter grave » où je souligne l’importance de revendiquer ses réussites.
Merci Rokhaya pour cet échange inspirant. On se reverra le 1er juin, pour la 1ère édition de l’Afro Diaspora Networking à Paris. Pour conclure, aurais-tu un message à partager avec celles et ceux qui auraient peur de quitter leur place ?
Pépite #10 : Pour risquer l’échec, il faut avoir du courage. Comment s’engager sur un chemin remarquable quand la peur nous paralyse ?